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IcI .:. MaInTeNaNt
24 février 2009

Encore? ... encore!

Nos_enfants

[Article paru in Mouvement n°44]

QUAND LE RÉEL NOUS RATTRAPE

"Mon défi en tant qu’auteur est de courir après une actualité insaisissable. Ce serait ça. Peut-être quelques-uns l’ont compris. Cette position formulée comme ça, ça fait un peu rapide, facile, mais j’aime l’instabilité à laquelle ça renvoie, quand aujourd’hui en France on attend toujours d’un auteur qu’il grave dans du marbre, qu’il fasse des « oeuvres ». Merde, a-t-on jamais compris comment une oeuvre se faisait ? On aurait épuisé bien des mystères… Je me sens au service de quelque chose, le reste…je m’en fous, demain je disparais. J’ai dit ça il y a quelques jours au Théâtre de l’Odéon, ça n’a fait rire personne (encore moins les auteurs de mon âge), parce que j’attaquais la vieille vocation intemporelle et intouchable de l’Ecriture… Soyons clair : en art comme en politique, les vieux « crabes » explosent, et l’on veut nous faire croire que c’est le monde qui explose. A gauche comme à droite on voudrait nous rassembler autour d’une catastrophe, l’une est l’envers de l’autre mais c’est au fond la même. Dans tous les sens, aujourd’hui en France, la nostalgie nous tue le mieux. Les vieilles catégories ne permettent plus de voir le « sens », et l’on conclut qu’il n’y a plus de sens… Il y a un an maintenant, j’écrivais à la demande du CCNC/BN*, pour le festival Danse d’Ailleurs, un texte sur l’Afrique. J’ai accepté, en n’y étant jamais allé. Quand j’ai écrit ce texte, Sarkozy n’était pas encore élu, l’élection était même loin d’être jouée ; je profitais de mon ignorance de l’Afrique pour tenter justement de démonter le mécanisme de nos peurs, avec le plus de sincérité possible, sans avoir honte ; j’essayais de démontrer notre construction du « Réel », cette façon arbitraire de convoquer l’Histoire pour nous constituer un « présent » qui nous arrange… J’étais loin de soupçonner une chose aussi odieuse que le discours de Dakar**, excuse fondatrice de toute notre politique actuelle d’immigration… Un an plus tard : départ pour la République du Congo, toujours à l’initiative de CCN, sur les bons conseils de Philippe Chamaux. J’ai eu très peur, à Brazzaville, de me trouver dans la posture du blanc qui va voir un peu comment ça se passe la culture là-bas ; là-bas en effet, on ne peut pas oublier qui on est ni d’où l’on vient

Nos_enfants_

En dix jours, je n’ai pas vu Brazzaville, on m’y a baladé le jour et la nuit, j’ai vu un décor hallucinant de tôle et de poussière, je n’ai rien vu. J’ai vu en revanche une foule de compagnies de danse, des jeunes interprètes au physique et au talent incroyables, dansant sur du béton dans des lieux sans portes ni lumières, sans rien en vérité, parce qu’il n’y a rien. J’ai aussi entendu sans arrêt qu’il fallait faire attention, ne pas se laisser avoir par la magie de ces lieux, parce qu’en art il faut rester « objectif ». On m’a dit souvent aussi que, vu le manque de moyen, ces compagnies ne pouvaient, pour la plupart, en aucun cas rivaliser avec la création française ou européenne, et aussi, que beaucoup d’entre elles tombaient dans le piège de reproduire des schémas type « danse contemporaine » afin de plaire aux blancs… Il fallait donc faire attention. Toujours cette idée qu’en Occident on détient la vérité, qu’on sait à quoi ça doit ressembler. Je ne sais pas s’il y a du vrai là-dedans, j’en ai eu marre. Moi ce n’est pas ce que j’ai vu. Et si c’était l’inverse ? Ces créations fragiles, dans la poussière, au mieux dans un petit studio prêté du CCF***, ce dépouillement de fait, ces maladresses parfois, n’avons-nous pas tout à en apprendre ? Et si c’était l’inverse ? La danse contemporaine existe à Brazzaville. Je n’ai jamais eu le sentiment de rencontrer des artistes différents que ceux que je croise à Paris ou à Caen… Comment le dire ?

A 20 ans, j’essayais de dire merde à mes parents, j’essayais de leur plaire en obtenant une licence de philo, je pleurais dans mon coin parce qu’une fille ne voulait pas de moi ; à 20 ans ils fuyaient les rebelles et l’armée dans la forêt, faisaient 500 Km à pied avec leurs familles, se faisaient tirer dessus jour et nuit ET MAINTENANT on a le même âge on parle littérature dans un théâtre autour d’une bière et on rigole.

Je rêve d’une création un jour où Congolais et Français,

nous parlerions du même Monde, tranquilles, dans la sérénité et l’émotion Nous serions

Congolais et Français, nous parlerions du même Monde."

::Ronan Chéneau::

[Ses textes sont publiés aux Solitaires intempestifs]

* Centre chorégraphique national de Caen/Basse-Normandie, dirigé par Héla Fattoumi et Eric Lamoureux. /** Discours de Nicolas Sarkozy à Dakar le 26 juillet 2007 (consultable en intégralité sur Afrik.com) / *** Centre culturel français

DELAVALLET_Bidiefono

Nos Enfants Nous Font Peur Quand On Les Croise Dans La Rue

Conception et mise en scène : David BOBEE

Chorégraphie : DeLaVallet Bidiefono

_ Théâtre2Gennevilliers_

"Un texte sur l’Afrique ou plutôt un texte sur ce qu’il y a de visible et d’invisible d’Afrique, ici, en France. Ronan a écrit ce texte en partant de son point de vue sensible et subjectif d’auteur français, habitant d’une ville moyenne, en province. La jeunesse, la France, la politique, la peur, l’identité nationale… sont les thèmes qui jalonnent son propos et qui sont au coeur de cette création. Ce texte a surtout servi de matériau et de ressource thématique lors de cette création théâtrale et chorégraphique. [...]L’espace est ici fermé et urbain, une boîte métallique, un espace public intérieur. Il peut s’agir du hall d’attende d’un aéroport, d’un centre de transit ou même de détention. Un lieu collectif et froid qui, visuellement, pose la question de la place du vivant dans nos cités contemporaines. Le mur du fond est une longue verrière pouvant accueillir les projections vidéos d’espaces extérieurs ou les visages des interprètes. [...] Suite à un voyage au Congo-Brazzaville, David Bobee et Ronan Chéneau ont fait la connaissance de Dellavallet Bidiefono Nkouka et des Baninga, son groupe de danseurs. Une grande complicité humaine et artistique est née de cette rencontre. « Nos enfants… » est porté par ces envies d’échange, de rencontre, d’ouverture, de confrontation, de déplacement des habitudes. [...] Entre la France et le Congo, « Nos enfants… » est placé sous le signe de la rencontre où artistes, blancs et noirs, français et étrangers, s’osent à répondre poétiquement à certaines questions brûlantes d’actualité et d’urgence.

Qu’est-ce qu’être français ?

Ce qu’est être étranger.

Être étranger en France.

Être étranger en France, aujourd’hui."

Cr_dit_photos_Tristan_Jeanne_Val_s

Ok, le texte de Ronan Chéneau manque de puissance argumentaire, mais pour tout ce qu'il y autour, je dis 'Bravo' de nouveau.

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