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11 mars 2008

CANNIBALES

Le plus grand moment de théâtre de toute une vie ... courte certes!

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Texte : Ronan CHENEAU

Mise en scène et scènographie : David BOBEE

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«

Vallès

Lui : "Et pourquoi pas, mon amour... Faisons un geste, un geste fort Un geste fun et sexy, comme la poésie... Au moins une fois dans nos vies Un geste fort, un geste fou..

Je me suiciderai, que le jour où je saurai que j'ai Définitivement Réussi ma vie..."

Clarisse : « Je lirais sur ton visage mes propres désirs...Et inversement...Je t’absorberais complètement » [déclaration à Spiderman]

Clarisse :

« Mais qu’on en finisse, qu’on en finisse oui, et vite. Qu’il se passe enfin quelque chose. Je voudrais qu’il se passe enfin quelque chose, n’importe quoi mais que ça cesse, qu’il se passe enfin quelque chose, un raz de marée, un séisme un attentat ou une bombe mais qu’il se passe enfin quelque chose, et que ça cesse. Qu’on ait peur, qu’on ait peur enfin qu’on ait peur et qu’il ne reste plus rien, que les gens fuient et qu’il n’y ait plus personne. Qu’il n’y ait rien ou plus ça. En tous les cas plus ça. Plus ça, plus cette... pantomime, ce confort. Que le monde aille à sa perte alors, qu’il aille à sa perte, et basta. Tout, plutôt que ça. Qu’il y ait la guerre, la révolution. Qu’il y ait du silence, le silence qui suit les explosions et qui précède quelque chose d’autre, quelque chose d’autre enfin, quelque chose d’inquiétant, de magistral. Horrible. Et qu’il se passe enfin quelque chose, un séisme un attentat, une bombe, quelque chose, mais quoi me suis-je dit, QUOI. Et que je sois ailleurs, moi, surtout ailleurs, n’importe où. Mais pas ici. N’importe où, me suis-je dit mais pas ici. Pas dans ce monde-ci, et dans ce cadre-ci. Ici, maintenant. Pas enserrée là, dans ce cadre, cette culture-là, blanche, putréfiée, bourgeoise. C’est insupportable. ça donne envie de hurler. C’est insupportable cette façon de vivre d’accumuler se protéger de se donner de l’importance en possédant, accumulant, et ménageant bien tout. Toute cette hypocrisie, tout, assumée, ces compromissions, et cette façon de considérer que c’est là parfaitement normal, que l’on a pas le choix que c’est normal et que c’est là DANS LA LOGIQUE DES CHOSES. C’est à pleurer. On fait des gestes vers moi, ça me pèse déjà. Tout ce confort, et ces objets, ces compromis toujours, toute cette facilité. Ce moindre mal, ce moins que moins. Toute cette merde au jour le jour, cette nécessité, qui me fait acheter, acquérir, habiter meubler, embellir. Ce naturel. Me dire qu’on y vient tous, que c’est un cap, qu’il fait bon vivre des fois, ça fait du bien des fois, rentrer chez soi quand tout est propre pratique et rangé, et esthétique de surcroît. L’idéal perdu, l’humanité perdue. Bradée pour cette connerie, pour tout ce toc, ces faux-semblants, ce faux luxe... »

[Cannibales - Scène XXVIII Éd. Les Solitaires intempestifs]

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Clarisse :

"Il y a encore cinq ans,  j'étais prête à me sacrifier... Faire le sacrifice de ma vie Vivre au RMI Dans une chambre de bonne sans chiottes... Entrer en résistance Avant, on faisait du romantisme avec ça Pendant très longtemps on a appelé ça : La bohème  Maintenant, on appelle ça : la précarité C'est beaucoup moins drôle... On ne trouve plus ça du tout intéressant de vivre pauvre avec de grandes idées... Aujoud'hui, tout le monde veut bosser... Mais bon, ça va on devrait s'en sortir, on a tous fait des études supérieures... (Silence)  Est-ce que vous aller me virer ou me garder? Oui, parce que l'autre jour, vous aviez promis de me garder..."

[scène VII]   

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Tout se construit à partir d’une scène initiale, celle d’un couple qui rentre chez lui, s’embrasse, se déshabille, s’enlace, s’arrose d’essence, se fout le feu. Un spectacle comme l’enquête de ce qui a pu les pousser là. La nécrologie d’un couple prétexte à un bilan subjectif politique et intime des trente dernières années. Cannibales plonge le spectateur dans la chambre du couple à l’intérieur d’un appartement design et impersonnel, encadré de murs de vidéos et de lumières. Froid, transparent. Appartement témoin type Ikéa ou Habitat. Cette création associe acrobates et comédiens (sept personnes au total). Il s’agit de provoquer la rencontre de différentes disciplines : théâtre,vidéo, cirque... Le travail d’écriture s’est fait sur le plateau en lien direct avec la mise en scène et les comédiens, et a approfondi des thématiques chères à l’équipe de création : la place de l’individu au monde, la quête de son identité sociale et intime, le portrait d’une génération, d’une époque. Ces thématiques sont abordées en parallèle d’une histoire d’amour évoquée selon le principe de fragmentation du texte, des scènes, des performances : Un montage aux ruptures de rythmes et de situations afin de créer, par accumulation, une histoire sans narration.

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« Cannibales pour moi est le troisième volet d’une aventure d’écriture, elle a commencé il y a cinq ans avec David Bobee et le Groupe Rictus. Nous disons souvent que notre théâtre est « politique », cela vient certes du contenu de nos spectacles et de la parole qu’ils portent, mais aussi je pense, de notre manière particulière de faire. Je n’écris jamais loin du plateau. Avant même que je commence à écrire, souvent il y a l’idée d’un dispositif, une scénographie, les thèmes que nous voulons aborder... Notre volonté avec David est que l’écriture ne soit pas forcément en amont, qu’elle ne soit pas « au-dessus » des autres disciplines du théâtre, mais qu’au contraire, elle s’enrichisse à leur contact. Mon travail d’écriture se fait donc au coeur même de la machine théâtrale, avec le travail de la lumière et du son, le jeu, la mise en scène, pour être contaminé par eux, toujours proche du vivant, du présent. En période de création, j’écris et réécris sans cesse, j’ajuste, j’adapte, j’enlève ou je remets en fonction de ce que me disent les uns et les autres. Cette pratique s’inscrit parfaitement dans mon projet : quitte à devenir contingente,ou « périssable », je veux que mon écriture soit absolument dici et maintenant. Il me semble que c’est aussi par cette manière de faire, collective, que notre théâtre peut se dire « politique ». J’ai dit une fois que David, et sans doute les comédiens eux-mêmes, « écrivaient » à travers moi, de même que, peut-être, j’écris à travers eux... A l’encontre d’une vision égotiste du « créateur », d’une hiérarchie entre les pratiques, notre groupe fonctionne donc comme un véritable « tout », un organisme, comme une sorte de créateur multiple, ramifié, organisé... »

Ronan Chéneau

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« J’aime au sein de Rictus bousculer la notion de genre, croiser, mélanger les disciplines artistiques, allier les pratiques, créer des hybrides, fragmenter, rassembler, confronter, ainsi produire du sens, de l’émotion, du rythme, de la violence, de la sensualité. Mon théâtre est d’engagement physique et politique. Fond et forme ont ici même valeur, naissent d’un même mouvement : je veux questionner tout ce qui participe à la construction de soi, à l’identité de l’individu contemporain, son intimité, son être social. Ce qui m’intéresse c’est désunir. Briser l’unitaire, montrer la pluralité, la richesse des personnes, de la pensée, des événements. Chercher une nouvelle lecture du monde. Un regard transversal. Mon théâtre est très visuel et se nourrit des arts plastiques. Depuis plusieurs années, avec les personnes qui m’entourent nous cherchons chacun dans notre discipline à offrir un univers visuel aussi exigeant qu’accessible. Chaque fois nous inventons une nouvelle façon de travailler ensemble. Loin du despotisme de la mise en scène, et du collectivisme absurde, nous affirmons un théâtre pluridisciplinaire où la lumière devient dramaturgique, où le texte est au coeur du plateau sans en être le centre, où la mise en scène participe au spectacle sans l’accaparer. Nous refusons la narration, l’illusion, le mensonge du théâtre et de ses personnages en y opposant la fragmentation des textes, la poésie des images, la prise de parole et la sincérité des personnes. »

David Bobee

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