Pippo DELBONO

9 février 2009

"Mon théâtre"

'Un Voyage De Mille Lieues Commence Toujours Par Un Pas'

"Il s'est passé toutes sortes de choses et, surtout, j'ai découvert à quel point le théâtre pouvait toucher des lieux profonds, intimes. Ca n'avait rien à voir avec tout ce que je connaissais du théâtre, mais je pouvais intégrer cette découverte dans mon projet d'acteur. Parce que je me rendais compte que, de cette manière, je pouvais y faire entrer ma vie, des choses qui m'appartenaient en propre. Il ne s'agissait plus de travailler sur le texte de quelqu'un d'autre ou d'incarner un personnage, mais de s'engager soi-même et peut-être aussi de se découvrir soi-même. C'était une situation magique, mystérieuse, mais inquiétante aussi. [...] Avec cette expérience, j'ai découvert que le théâtre était un autre lieu, une autre façon d'être, un engagement qui t'imposait parfois de te détruire toi-même, de perdre, d'abandonner ou de renoncer à certaines choses."

'Je Dansais Les Gars, Je Dansais, Je Dansais...'

"Il est très important d'être avec le public, de se placer à un moment donné de son côté, c'est-à-dire de ne pas lui imposer un personnage ou une action, mais d'arriver sans défense, avec toute sa fragilité, son incertitude et de tout donner à l'oeuvre. Là, l'oeuvre devient plus grande que toi. Il y a des moments où je ne sais plus rien du spectacle et je ne veux pax commencer à réfléchir parce que cela reviendrait à édifier un mur qui s'interposerait entre moi et cet acteur fondamental qu'est le public. Le théâtre doit être un lieu où l'on accepte de perdre ses certitudes."

'Etre Dans L'Action Juste Etre Là'

"C'est ça le théâtre, donner une parole mais sans lui imposer un sens. C'est le public qui t'aide à comprendre, à découvrir les différentes facettes de ce que tu mets à sa disposition. Alors le spectacle rentre dans une dimension rituelle plus profonde, et c'est comme une fleur qui s'ouvre. Mais si on commence à prévoir ou à imaginer les réactions du public, on se prive de certaines possibilités. Il faut garder un appui sur le plateau, une attention, une conscience corporelle, la maîtrise de sa partition, pour être fort et libre."

'Dis-Moi Que Tu M'Aimes'

"L'émotion naît du contraste, pas de l'être amoureux de sa propre douleur."

"Dans ce voyage qu'est le spectacle, il faut aller dans l'émotion, mais aussi en sortir par moments, sinon on la refuse. C'est un peu le principe que j'applique en tant que metteur en scène : passer par différentes couleurs, différentes tonalités, des respirations, des ruptures. C'est un peu difficile à expliquer, c'est lié à des nécessités intérieures. En même temps, il faut conserver une distance par rapport à ce qui se passe sur le plateau, car même quand il y a de la violence ou de la tendresse sur scène, c'est toujours un jeu."

'Gagner La Bataille Vaincre L'Impossible'

"Quand on est dans cette folie qu'est la dépression, on est parfois hyper lucide face à l'extérieur et on peut en venir à détester tout le monde. C'est impossible à vivre. Les relations humaines sont faites de compromis, c'est juste, c'est normal. Mais dans l'art, sur le plateau, toutes ces contradictions, ces oppositions peuvent devenir vivantes, vraies, on peut en jouer. Je fais beaucoup plus de concessions dans la vie sociale qu'au théâtre. Pour moi, le théâtre est un lieu de vérité, un lieu où l'on peut faire l'expérience de la vérité, et il doit montrer, cristalliser, les contradictions de la vie."

'Isoler La Poésie La Beauté De La Vie'

"La maladie, la souffrance peuvent susciter de l'égoïsme. Dans la création d'un spectacle, il y a aussi une part d'égoïsme, mais la création peut t'aider parce que c'est un processus de sublimation. Quand la souffrance est trop vive, on est incapable de la sublimer, de la transformer en art - du moins, moi. Mais il y a beaucoup d'oeuvres artistiques qui, tout en étant très noires, correspondent à une recherche de la lumière. [...] Il y a des oeuvres comme celles de Van Gogh, Genet, Rimbaud ou Frida Kahlo par exemple, qui sont pleines de douleur, mais qui communiquent en même temps une extraordinaire énergie de vie. Ces deux aspects contradictoires, la douleur et la vie, cohabitent. [...] On ne peut envisager de créer qu'à partir du moment où l'on est capable de sortir de la douleur et de l'angoisse, à partir du moment où on entrevoit d'autres possibilités de vivre."

'Chacun Est Une Ile'

"Pour le bouddhisme, la compassion consiste à descendre au niveau de la douleur de l'autre pour remonter ensemble : comprendre la douleur de l'autre est aussi la seule façon de l'aider, c'est un peu ça le théâtre. Le théâtre est une expérience de vie qui parle constamment de la mort, le théâtre est une lutte contre la mort. Nous sommes dans une culture qui occulte la mort, qui la nie. Pour moi, c'est impossible d'oublier la mort dans un spectacle. La mort est présente, mais cela ne signifie pas qu'il s'agit d'un théâtre mort. Il faut partir de la mort pour aller vers la vie."

"Aide-moi à comprendre! Aide-moi à comprendre pourquoi il n'y a plus d'amour dans les yeux des hommes. Aide-moi à comprendre le sourire de ceux qui aiment, pour que je puisse sourire et aimer moi aussi. Aide-moi à comprendre l'immense cadeau que tu m'as fait. Parce que, tu vois, j'existe moi aussi."

- Extrait du monologue d'Armando Cozzuto pour Barboni -

"J'étais seul à la plage

J'ai lancé des galets dans l'eau

Qui sait si j'ai fait mal aux poissons?

Puis je me suis allongé sur l'herbe

Qui sait si j'ai écrasé les fourmis?

Deux types se sont moqués de moi

Ils ont ri de moi

Qui sait s'ils m'ont blessé?"

- Poème de Bernado Quaranta cité dans Barboni -

"Un théâtre essentiel, sur un plateau nu, un théâtre qui repose uniquement sur l'action des acteurs - des acteurs qui ne jouent pas, mais sont, simplement. Un théâtre qui va, toujours plus, se confondre avec la vie."

- Note d'intention de Barboni -